Les dragon ladies pagayent contre la maladie

Les dragon ladies pagayent contre la maladie
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Il fait partie des sports qu’il fait bon de pratiquer pour soigner ou prévenir un lymphœdème après un cancer du sein. Le dragon boat, un sport nautique d’équipe, a le vent en poupe. À Compiègne, dans l’Oise, une kinésithérapeute a lancé un club pour ses patientes. Reportage.

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Les dragon ladies contre la maladie

Les premiers rayons de soleil se reflètent sur l’Oise. Une quinzaine de femmes de tout âge, munies de gilets de sauvetage roses, sont réunies sur ses berges dans une humeur bonne enfant. Pas question pour les « dragon ladies » de rater leur premier rendez-vous tant attendu depuis plusieurs mois. « Ce qui nous fédère, c’est la détermination de pagayer contre le cancer », témoigne Florence atteinte par la maladie en décembre 2007. « Nous nous sommes beaucoup croisées pendant nos protocoles médicaux, des liens se sont créés, et se retrouver à nouveau autour de cette activité sportive est un moyen de poursuivre le combat contre la maladie pour ne plus revivre ce que nous avons vécu ». Florence a en effet subi un curage axillaire en janvier 2008. Aujourd’hui, et comme d’autres dragon ladies présentes ce samedi-là, elle est suivie par Isabelle Aubé, kinésithérapeute à l’origine du lancement de ce club de dragon boat 100% féminin. Ce sport nautique consiste à pagayer en équipe une pirogue d’environ 12 mètres de long pour 1,20 mètre au plus large et pèse à vide environ 250 kg. Un équipage type est composé généralement de 20 pagayeurs répartis sur 10 rangs, d’un barreur se tenant debout à l'arrière et d’un batteur assis à l'avant. « Je suis ravie de voir toutes ces femmes avec un grand sourire. Cela prouve que cette initiative répond à une attente, un besoin : celui de se décharger ensemble du poids de la maladie », se réjouit Isabelle.

« Nous sommes capables de le faire malgré la maladie »

Il n’y a pas si longtemps, on disait aux femmes qui étaient atteintes d’un cancer du sein de ne pas mobiliser leurs bras, de se reposer et d’évite de faire du sport », se rappelle Laurent Lopez Carbajal, vice-président du club d’aviron de Compiègne et entraîneur des dragon ladies. Jusqu’à ce qu’un médecin canadien, le Dr McKenzie, compose en 1996 le premier équipage de dragon ladies pour démontrer les bienfaits du dragon boat, notamment dans la prévention du lymphœdème grâce au travail de l’épaule »(1).

Pour nous, réussir est avant tout un défi. Se dire que malgré la maladie, nous sommes capables de le faire, c’est important », estime Sylvie qui souffre aujourd’hui d’un lymphœdème secondaire à une mastectomie et un curage ganglionnaire. Avant de se lancer, la jeune femme avait des doutes et des craintes pour son bras dont le volume a augmenté de 4 cm. « J’en ai discuté avec ma kinésithérapeute qui a partagé avec moi des études concluantes sur les bienfaits du dragon boat » 2), (3).

« Un combat que nous connaissons toutes »

Pratiquer le dragon boat incite à intégrer un groupe autour d’un objectif commun(4), tel qu’affronter ensemble la maladie. « Quelque part, chacun rame pour les autres. On a un geste individuel, mais on travaille pour le collectif », explique Laurent Lopez Carbajal.

« De fortes affinités vont forcément se créer au sein du club. Il y aura des échanges autour du vécu de la maladie, notamment sur des effets secondaires. L’une va essayer quelque chose qui fonctionne et va le partager avec les autres », prédit Isabelle Aubé. Car pour ces femmes, le dragon boat est aussi un moyen de s’entourer et d’être comprise, alors même qu’elles ressentent parfois la culpabilité de trop se reposer sur leurs proches. Pour Monique, « être aux côtés de personnes qui ont vécu la même chose incite à s’ouvrir davantage sur un sujet qui reste encore tabou ». Convaincue de l’importance de ne pas rester seule, elle a fait 45 km ce matin pour intégrer le groupe. Et de poursuivre sous les félicitations et applaudissements de ses coéquipières : « Ce que nous avons vécu, nous sommes les seules à pouvoir le comprendre. Quand nous nous écoutons et nous nous regardons, nous savons. Personne d’autre ne peut se mettre à notre place. Même si notre famille le voudrait, c’est impossible. C’est un combat que nous menons seule, mais que nous connaissons toutes. Chacune sait comment nous le vivons. Nous avons besoin de nous retrouver et d’en parler ». Prochain objectif pour les dragon ladies de Compiègne : la Vogalonga de Venise en mai 2020.

Pour toute question, demandez conseil à votre médecin.

Sources documentaires

  1. Lane K, Jespersen D, McKenzie DC. The effect of a whole body exercise programme and dragon boat training on arm volume and arm circumference in women treated for breast cancer. Eur J Cancer Care (Engl). 2005 Sep;14(4):353-8. DOI : 10.1111/j.1365-2354.200
  2. Lacorossi L and al. The Effectiveness of the Sport "Dragon Boat Racing" in Reducing the Risk of Lymphedema Incidence : An Observational Study. Cancer Nurs. 2019 Jul/Aug ; 42(4) : 323-331. Doi : 10.1097/NCC.0000000000000615.
  3. Ray HAVerhoef MJ. Dragon boat racing and health-related quality of life of breast cancer survivors: a mixed methods evaluation. BMC Complement Altern Med. 2013 Aug 5;13:205. Doi : 10.1186/1472-6882-13-205.
  4. McDonough MH and al. The difference is more than floating: factors affecting breast cancer survivors' decisions to join and maintain participation in dragon boat teams and support groups. Disabil Rehabil. 2019 Jul;41(15):1788-1796. Doi : 10.1080/09638288.