Peut-on éviter le lymphœdème du bras après un cancer du sein ?

Peut-on éviter le lymphœdème du bras après un cancer du sein ?
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Une réalité : le traitement du cancer du sein par la combinaison de la chirurgie, de la radiothérapie et d’une prise en charge médicale générale induit un déficit fonctionnel lymphatique potentiel. Mais il s’agit là d’un risque de lymphœdème, non systématique.

Paragraphes

Si c’est bien le lymphœdème du membre supérieur qui est le plus connu après le traitement chirurgical d’un cancer du sein, toutes les femmes opérées ne le développeront pas. Quels sont les facteurs de risque ou les facteurs aggravant de lymphœdème du bras après cancer du sein ? Existe-t-il des manières de le prévenir ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre ici.

Le cancer du sein : le plus fréquent chez la femme en France, mais aussi le mieux traité

Au premier rang des cancers chez la femme,  celui du sein est en constante augmentation (notamment en raison du dépistage organisé mis en place depuis 2004).

Le cancer du sein en chiffres

  • 54 062 nouveaux cas de cancer du sein en France métropolitaine en 2015(1)
  • 11 913 décès par cancer du sein en France métropolitaine en 2015(1)
  • Un taux de mortalité en baisse de 1,5% par an entre 2005 et 2012(1)
  • Survient dans 58% des cas entre 50 et 74 ans(1)
  • Est lié à une prédisposition génétique dans 5 à 10% des cas, pour lesquels 2 gènes sont impliqués dans 85% des cas
  • Est rare chez la femme de moins de 35 ans et exceptionnel avant 20 ans

(1) projections pour l’année 2015 (Institut National du CAncer)

Différents traitements sont disponibles pour éradiquer un cancer du sein localisé, faisant appel à 4 armes généralement combinées :

  • La chirurgie, et notamment la chirurgie ganglionnaire
  • La chimiothérapie, comprenant les thérapies ciblées
  • L’hormonothérapie
  • La radiothérapie

Indispensable dans tous les cas de figure, l’intervention chirurgicale présente plusieurs variantes, plus ou moins mutilantes selon la situation évaluée :

  • elle sera conservatrice dans la mesure du possible, se limitant à la zone de la tumeur (tumorectomie) ou au quart du volume du sein (quadrantectomie)
  • une mastectomie, soit une ablation totale du sein, pourra s’imposer en fonction de la taille ou de la localisation de la tumeur, lorsqu’une ablation partielle ne peut suffire
  • systématiquement réalisée au préalable des deux précédentes, la chirurgie ganglionnaire de l’aisselle peut à son tour prendre 2 formes : l’exérèse du « ganglion sentinelle » (à savoir le premier recevant le drainage lymphatique axillaire du sein), suivi d’un curage axillaire lorsque le premier s’avère envahi (tumeurs infiltrantes de petite taille) ou l’exérèse des ganglions axillaires par dissection comportant 8 à 10 ganglions maximum.

Pourquoi un risque de lymphœdème après une chirurgie ganglionnaire ?

C’est la chirurgie axillaire, ou curage axillaire, consistant à retirer un ensemble de ganglions lymphatiques de l’aisselle, qui est souvent à l’origine de troubles de la circulation lymphatique du membre supérieur, et ainsi d’un œdème de lymphe du bras, puisque celle-ci est ralentie – voire bloquée- et s’accumule sous la peau. Le lymphœdème se caractérise par une augmentation du volume de la main et du bras, avec un délai et un mode d’apparition variables.

Il s’agit d’une complication fréquente survenant dans 30% des cas après curage axillaire, mais des cas sont également rapportés après la technique des ganglions sentinelles. Quant à son apparition, elle peut être très variable dans le temps: généralement dans les 18 premiers mois, mais parfois beaucoup plus tard, des années après.

Une meta-analyse publiée dans Lancet Oncology en 2013 suggère que plus d’une femme sur 5 survivant à un cancer du sein va développer un lymphœdème du bras. Aussi les auteurs appellent-t-ils à une meilleure compréhension des facteurs de risque impliqués, ainsi qu’à une stratégie de prévention afin de réduire le poids de santé individuel et collectif de ce trouble douloureux et handicapant.

Quels facteurs de risques ou facteurs aggravants ?

Concernant les causes augmentant le risque de cancer du sein, outre une prédisposition génétique dans moins d’un cas sur dix, elles sont essentiellement liées à l’hygiène de vie eût égard au régime alimentaire, à la consommation d’alcool, à la sédentarité et au surpoids.

Pèse également dans la balance l’imprégnation hormonale due notamment à des règles précoces et/ou une ménopause tardive (augmentant la durée pendant laquelle une femme est soumise à des cycles hormonaux, et ainsi – de manière modérée- le risque de cancer du sein), au traitement hormonal substitutif pendant une durée supérieure à 15 ans, ou encore l’absence de grossesse et d’allaitement.

S’agissant du lymphœdème, son apparition est le plus souvent liée à un facteur déclenchant – parfois complètement anodin – tel un effort de soulèvement de charge lourde ou la pratique de certains sports mobilisant le bras de manière brusque (tennis, golf, aviron), une blessure septique (par morsure de chien, piqûre de rosier ou d’insecte, etc.), une brûlure ou encore un traumatisme au niveau du bras par simple prise de tension artérielle.

Et son risque est augmenté par de multiples facteurs : l’atteinte axillaire ganglionnaire et donc le nombre de ganglions retirés lors du curage, l’irradiation du creux axillaire, mais aussi le grade élevé de la tumeur, la rupture capsulaire, la chimiothérapie adjuvante, la surcharge pondérale, le manque d’activité physique, etc.

Prévenir davantage… pour moins avoir besoin de guérir

La prévention du cancer du sein chez les femmes est capitale, son dépistage essentiel, et celle du lymphœdème est de mise chez les patientes, à travers un certain nombre de précautions, de règles d’hygiène de vie et d’un exercice physique modéré réalisé précocement. Mais peu de données scientifiques sont disponibles à ce jour concernant la prévention du lymphœdème.

Quelques conseils pratiques :

  • Protéger le bras et la main des blessures (coupures, égratignures, ecchymoses, brûlures) par le port de gants de caoutchouc pour la cuisine, le jardinage, les travaux ménagers (surtout en cas d’utilisation de produits détergents).
  • Laver les blessures, même minimes, au niveau du membre (épaule, creux de l’aisselle, bras) à l’eau et au savon puis désinfecter.
  • Éviter de prendre la tension artérielle ou de faire des prises de sang du côté opéré.
  • Éviter, au début, de porter des charges lourdes avec le bras affecté, et privilégier l’utilisation de l’autre bras.
  • Bouger le bras en suivant les recommandations du médecin et du masseur-kinésithérapeute afin de stimuler le drainage de la lymphe. Outre les activités de la vie quotidienne peuvent s’ajouter certains exercices particuliers.
  • S’assurer auprès d’un professionnel de santé que la pratique d’activités sportives, vigoureuses et répétitives ou faisant appel au haut du corps sont toujours autorisées, et le cas échéant reprendre progressivement.

Le traitement kinésithérapique des troubles de la circulation lymphatique du membre supérieur, comme effet secondaire de la chirurgie axillaire, entre dans le cadre des soins de support prescrits par l’angiologue. Il comprend deux aspects : le drainage lymphatique manuel par un masseur-kinésithérapeute d’une part, et la mise en place de bandages réducteurs adaptés en parallèle. Des  dispositifs de compression tels que les manchons de contention sur mesure – en tissu élastique, plus ou moins long, avec ou sans doigts – seront ensuite être délivrés, en complément pour la phase de maintien, par le pharmacien ou l’orthésiste.

Pour toute autre question, demandez conseil à votre médecin.

Sources documentaires

  1. Kine Actu n°1252 / jeudi 20 octobre 2011 / Formation continue pp18-21
  2. Institut national du cancer : le lymphœdème
  3. Europa donna : lymphœdème du bras après cancer du sein : risques, conseils et prise en charge
  4. Les impatientes, réseau de femmes atteintes d’un cancer du sein
  5. breastcancer.org : lymphedema
  6. DiSipio T. et al., Incidence of unilateral arm lymphedema after breast cancer: a systematic review and meta-analysis. Lancet Oncol, 2013 May; 14(6): 500-15
  7. Hayes et al., Lymphedema after breast cancer: incidence, risk factors and effect on upper body function. Journal of Clinical Oncology, 2008. 21, 26.
  8. Hayes S.C., Rye S., Battistutta D., Newman B./ Prevalence of upper body symptoms following breast cancer and its relation ship with upper body fuction and lymphedema. Lymphology, 2010, 43, 178-187.
  9. Armer J.M., Stewart B.R. Post breast cancer lymphedema : incidence increases from 12 to 30 to 60 months.Lymphology 43 (2010) 118-127.
  10.  Ahmed R L, Thomas W, Yee D, Schmitz KH : Randomized controlled trial of weight training and lymphedema in breast cancer survivors.J of Clinical Oncology, 2006, 24, 18, 2765-72.
  11.  Schmitz K.H. and al. Weight lifting in women with breast cancer related lymphedema. 2009 N Engl J Med vol 361, n°7, 664-73.
  12.  Vignes, M. Coupé, F. Beaulieu, L. Vaillant, pour le groupe « Recommandations » de la Société Française de Lymphologie – Les lymphœdèmes des membres : diagnostic, exploration, complications  – Journal des Maladies Vasculaires (2009) 34, 314-322